21 ans
L'année dernière, j'étais institutrice à Paris (je suis du sud
ouest). J'ai rencontré Henri qui était en permission. Nous
sommes tombés amoureux fous l'un de l'autre et ce qui
devait arriver arriva. Au mois d'août, je me suis aperçue
que j'attendais un enfant. Henri a déserté et nous avons
tenté de nous expatrier en Espagne, mais il a été pris,
jugé, fusillé. Sous le choc, j'ai perdu le fruit illicite
de nos amours clandestines...
Déshonorée, désepérée, je suis revenue à Paris et je tente
de remonter la pente en reprenant mes études de sciences en
faisant des piges pour les quotidiens, genre chiens écrasés
pour l'instant ainsi que toute activité pouvant permettre
de gagner de quoi survivre, secrétariat, documentation,
etc.... Il faut dire que ma famille de bonne bourgeoisie
provinciale m'a reniée et que les études scientifiques sont
très dures pour les filles car c'est un milieu masculin à
99 %.
Ma vie est difficile car je manque dramatiquement d'argent,
mais je sais me débrouiller pour les recherches en
bibliothèque, me servir d'un appareil photo, je parle
espagnol, il m'arrive aussi parfois de tirer les cartes
avec un certain talent. Les engins motorisés me mettent mal
à l'aise.
Je suis marquée par l'expérience pénible que je viens de
traverser et je suis très distante avec les hommes qui me
considèrent comme une prétentieuse. Il m'en reste aussi une
certaine animosité envers les représentants de la Loi, et
en général tout ce qui porte un uniforme.
Dans une France heureuse de sortir de la Guerre, je me sens
particulièrement malheureuse, mais j'ai de la volonté même
si mon physique reste fragile d'autant que j'ai une
certaine faiblesse pulmonaire.
Interprétée par Niglaude.
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